La crainte principale des médecins face au déconventionnement, c’est de ne pas avoir de patient. C’est une crainte légitime. On le sait bien car, même si la médecine ne doit pas s’exercer comme un commerce, nous sommes soumis aux même obligations qu’une entreprise, en terme de chiffre d’affaires, de charges, de bilan comptable etc… Même régulé pour d’indiscutables raisons déontologiques, l’exercice libéral est soumis en partie à l’économie de marché car les loyers, le matériel, les charges, et les assurances, suivent un modèle capitaliste. Par conséquent, l’augmentation des prix de ces charges conduit nécessairement à une augmentation du coût des consultations.
Pour qu’un médecin installé en libéral vive, il faut examiner l’offre de soins et la demande de soins: l’offre, c’est la diversité, la qualité et le nombre de médecins et la demande, c’est le besoin de la population française.
1/ Quid de l’offre de soins?
Il n’y a jamais eu autant de médecins en France : 215.000 médecins en activité au 1er janvier 2011, et pourtant, il y a déjà, même dans les villes à haute densité médicale, une difficulté d’accès aux soins due au manque de médecins. Faites l’expérience par vous-même: voyez combien de temps il faut pour obtenir un rendez-vous à Paris avec un ophtalmo, voyez combien de généralistes ou de pédiatres acceptent des nouveaux patients…
L’offre, maximale actuellement, est déjà insuffisante par rapport aux besoins et ne va faire que baisser.
En effet:
- La population médicale vieillit (78% des médecins libéraux ont plus de 52 ans en 2012) : l’offre de soins va donc inévitablement diminuer car les promotions formées ne sont pas assez nombreuses pour compenser ces départs. – 25% dans les années à venir!!
- De plus, les médecins s’installent moins en libéral: En effet, parmi les 5 392 médecins nouvellement inscrits au cours de l’année 2010, seulement 9,4% ont choisi un mode d’exercice libéral. (source: CNO)
- En 2010, ils ont été 903 à dévisser leur plaque (et pas pour partir en retraite!), et plus de 950 en 2011, alors qu’ils étaient en libéral depuis 21 ans en moyenne, la moitié depuis plus de 25 ans et un quart depuis moins de 10 ans. Ceci montre l’ampleur de la souffrance des médecins… et contribue à réduire l’offre médicale (source: CNO)
- La qualité des médecins augmente sans arrêt par le biais des formations initiales et continues permettant donc une offre de soins qui ne fait qu’augmenter en qualité. L’existence de plusieurs médecins permet une émulation bénéfique aux patients en termes de qualité d’offre
Il faut donc bien comprendre que le contrat de soin proposé par les mutuelles, soit-disant gagnant-gagnant, ne présente aucun intérêt pour les médecins. En effet, quel que soit l’endroit où il s’installe, un médecin est assuré d’avoir très rapidement une patientèle abondante, s’il est normalement compétent. Or, le contrat des mutuelles propose au médecin d’adhérer en échange d’une diminution des honoraires pour avoir plus de patients. C’est méconnaître un point essentiel: les médecins libéraux ont énormément de monde et n’ont pas besoin de patients en plus. On voir donc bien l’intérêt des mutuelles dans les réseaux de soins, on en voit pas l’intérêt des médecins ou des patients.
2/ Quid de la demande de soins?
Parallèlement, la demande de soins augmente (c’est un phénomène global et
inévitable) pour les raisons suivantes:
- Vieillissement de la population française, donc augmentation de l’incidence des pathologies et des polymorbidités
- Information de la population, qui est dans la demande et l’acceptation de soins beaucoup plus tôt et fréquemment que dans les générations précédentes
- Exigence de la population en terme de qualité de soins et de résultat, qui demande un risque médical de plus en plus proche de zéro, donc multiplie les consultations et les examens
- Certaines disciplines sont devenues culturellement plus acceptables: ainsi, il est désormais plus facile de demander des soins en psychiatrie ou en sexologie, alors que la demande était faible ne raison de préjugés dans les années précédentes
- L’augmentation de l’arsenal thérapeutique conduit à pouvoir soigner des pathologies qui ne pouvaient être guéries auparavant: il y a donc naturellement une augmentation de la demande de soins pour celles-ci.
3/ Au total
Tous les facteurs sont réunis durablement, pour plusieurs années, pour que l’offre de soins diminue, tandis que la demande croît. Le déconventionnement est parfaitement viable et le sera d’autant plus que la proportion de médecins exerçant en secteur 3 sera grand.
4/ Expérience de déconventionnement
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